Récit de vie: Joëlle

Voici le témoignage d’une femme à haut potentiel intellectuel qui a appris qu’elle était HP à 55 ans. Elle nous explique comment est-ce qu’elle l’a vécu et nous fait part de ses expériences dans le monde professionnel. 

Bonjour Joëlle,

Depuis combien de temps savez-vous que vous êtes une personne à haut potentiel intellectuel ?

Depuis quelques années, env. 4 ans. J’ai 59 ans. Mais depuis toujours je suis consciente d’être un peu différente, un peu plus « futée » que la moyenne. Je l’ai entendu dans ma famille, très tôt à l’école, au travail, avec mes amis. Cela ne me semblait pas particulier, ni même bizarre, ni bien ni mal.

Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?

La prise de conscience a provoqué une petite révolution. Elle a déclenché une analyse, comme un scanner, la quasi-totalité des événements de ma vie. La pilule n’est pas facile à avaler et le « si j’avais su » est lancinant. C’est assez stressant de saisir le sens des choses, en très peu de temps. J’ai reçu un flot d’informations, de réponses, de constatations des 50 dernières années en quelques semaines, en continu. Une sacrée claque. Le grand ménage.

Qu’est-ce qui caractérise la femme surdouée selon vous ?

Je ne sais pas s’il existe un type bien défini de femme surdouée. Dans mon cas, je suppose que c’est l’indépendance et la liberté qui priment. Je ne me suis jamais laissée entravée par les problèmes ou les choses qui me cassent les pieds. Pas de peur dans l’action. Que la volonté de faire ce qui me semble bien ou de faire ce qui me plaît, sans considération des éventuelles implications à venir. Vivre le moment présent est peut-être une faculté des femmes surdouées. Je suis très pragmatique, peu d’imagination pour l’hypothétique futur. Donc, je fais le mieux avec le présent bien réel.

Quels sont selon vous vos atouts, vos qualités, dans le domaine professionnel ?

Encore une fois, je parle pour moi et donc professionnellement c’est souvent la vision globale du fonctionnement d’une société, d’un groupe ou d’une organisation. Un exemple, je comprends rapidement les mécanismes et les manières de fonctionner. En conséquence les dysfonctionnements m’apparaissent très clairement également. J’ai les moyens d’améliorer les processus. Toujours dans un but d’une meilleure efficacité et j’adore faire ça. La loyauté est également une qualité. Et surtout toujours l’envie de progresser, d’apprendre, d’être efficace.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontée dans le domaine professionnel ?

Voilà tout le paradoxe, des qualités citées plus hauts… Si la hiérarchie ne suit pas le raisonnement, ça devient compliqué. Je ressentirais de la frustration et mon humeur s’en ressentira. C’est 50/50, j’ai vécu les deux extrêmes. Les patrons paniqués par mes idées les refusent et les patrons totalement enthousiasmés par ma vision des choses m’ont donné carte blanche. Les premiers m’ont perdue, les autres m’ont gardée beaucoup plus longtemps. Ceci est un simple constat.

Pensez-vous que ce soit lié au fait que vous soyez une femme ? Quels sont les préjugés auxquels vous êtes confrontée dans le domaine professionnel ?

En partie oui. Mes idées seraient plus facilement acceptées si elles venaient d’un homme. Les hommes ont des idées et les femmes exécutent. Quelques patrons ont d’ailleurs « pris » mes bonnes idées à leur compte. Il faut rappeler que j’ai presque 60 ans. Les choses ont un peu évolué, mais pas tant que ça. Je le vis au quotidien, je travaille à 90%.

Qu’est-ce que vous proposeriez comme amélioration dans l’organisation des entreprises afin que les personnes surdouées, peut-être les femmes en particulier, puissent épanouir leur potentiel ?

Dans un 1er temps il faudrait lister très clairement les aptitudes et compétences des HP. Soumettre ces listes aux patrons (ou plutôt aux agences de placement de personnel) qui sauraient immédiatement à quoi s’en tenir. C’est-à-dire, informer que ces compétences particulières existent. L’information est primordiale et les personnes HP devraient pouvoir être directes avec un éventuel employeur. Il faudrait pouvoir dire : « Je suis super bonne en ça, ça, et ça. Mais le reste c’est non ». Voilà !

Merci beaucoup.