Quelques notes sur le soin par la musique

Article rédigé par Éléonore Delhomme, psychologue Hi-Mind

Nous n’avons jamais passé autant de temps à écouter de la musique que depuis ces dernières années. En moyenne, ce sont 20,1 heures hebdomadaires que nous consacrons l’écoute de nos musiques préférées[1]. Si la musique occupe une telle place dans nos vies, c’est qu’elle est indissociable de notre bien-être psychologique et physique.

En 2022, 69% des personnes interrogées par l’IFPI ont déclaré que la musique contribuait de façon importante à leur bien-être psychologique. Ils étaient 87% à révéler qu’elle leur avait procuré du plaisir et du bonheur durant la pandémie de la COVID-19. L’idée selon laquelle la musique pourrait nous aider à surmonter des épreuves en participant à notre bonne humeur n’est pas récente. En effet, dès l’Antiquité, et par exemple chez les Grecs, il existait déjà des « musicothérapeutes » qui modelaient « l’humeur et les humeurs en utilisant divers instruments, le rythme et les sons »[2]. C’est à la fin de la Seconde Guerre mondiale que la musique se présente comme une nouvelle forme alternative de traitement. On l’utilise sur des soldats convalescents dans le but de traiter les traumatismes liés à la guerre, en agissant aussi bien sur la maladie que sur les blessures psychiques. Son approche devient alors scientifique, et son usage médical.

Depuis, une pléthore d’études a démontré les multiples effets bénéfiques de la musique, qu’elle soit jouée ou écoutée, sur le fonctionnement et la structure du cerveau. Nous savons désormais qu’elle induit des modifications du flux sanguin cérébral, régule les émotions, et active notamment le « circuit de la récompense » dans le cerveau, provoquant ce fameux sentiment de plaisir[3]. En connaissance de cause, l’OMS recommande la musicothérapie, la qualifiant de « clé supplémentaire pour améliorer notre santé physique et mentale »[4].

« La musique possède des qualités non verbales, créatives, structurales et émotionnelles qui facilitent le contact, l’interaction, la conscience de soi, l’apprentissage, l’expression, le développement personnel et la communication dans une relation thérapeutique. » 

Guylaine Vaillancourt – musicothérapeute et Présidente de l’Association des musicothérapeutes du Québec

Selon l’Association canadienne des musicothérapeutes, la musicothérapie a pour but de « promouvoir, maintenir, restaurer la santé mentale, physique, émotionnelle et spirituelle ». Plus concrètement, elle repose sur l’utilisation clinique de la musique comme objet d’interaction entre un patient et son thérapeute, cela afin d’atteindre des objectifs individualisés. L’implication musicale dans un contexte thérapeutique permet au patient de renforcer ses ressources et capacités, et de les transférer à d’autres domaines de sa vie. Pour ce faire, deux techniques principales peuvent être utilisées : la musicothérapie dite active, et la musicothérapie dite passive ou réceptive.

La technique active se présente comme une alternative au langage verbal, offrant au patient la possibilité de communiquer au travers d’instruments rythmiques et/ou mélodiques, mais aussi vocalement et corporellement. Elle est donc idéale pour les personnes présentant des difficultés à s’exprimer avec des mots et des difficultés relationnelles. Si le patient est ici impliqué dans la production sonore et la créativité, aucune compétence ou talent musical n’est pour autant requis.

La technique réceptive est, quant à elle, basée sur l’écoute de musiques choisies spécifiquement par le thérapeute et le patient. Elle est principalement utilisée afin de favoriser l’expression verbale et la réminiscence. De ce fait, elle s’adresse à ceux qui ont la possibilité d’exprimer un vécu ou une émotion par la parole. De cette technique découle celle de la détente psychomusicale, agissant en faveur de la relaxation et de la pleine conscience (« mindfulness »).

Les différentes techniques de musicothérapie soutiennent le développement d’une relation d’aide entre un thérapeute et son patient. La musique offre un exutoire pour l’expression de pensées et de sentiments parfois difficiles à verbaliser.

 Le soin par la musique est fondé sur des preuves scientifiques de plus en plus documentées. On lui connaît une efficacité sur une variété de troubles, y compris les maladies cardiaques, la dépression, l’autisme, la toxicomanie et la maladie d’Alzheimer. Elle est également utilisée pour soutenir la mémorisation et les capacités cognitives, abaisser la tension artérielle, exprimer et réguler les émotions, soulager la douleur, améliorer les capacités d’adaptation ainsi que l’estime de soi. Elle peut donc répondre à une variété d’objectifs de santé, de bien-être et d’éducation.

Particulièrement indiquée auprès des enfants et adolescents présentant un trouble du spectre autistique, la musicothérapie détient un niveau de preuve d’efficacité supérieur à celui de la grande majorité des autres stratégies thérapeutiques utilisées. Dans leur revue de la littérature, Scotto di Rinaldi et Gepner (2023) précisent que la musicothérapie « peut avoir des effets bénéfiques sur les symptômes primaires (communication non verbale, comportements sociocommunicatifs, interactions sociales, comportement d’initiative) et secondaires du TSA (adaptation sociale, stress, relations parents-enfants), ainsi que sur la connectivité cérébrale fonctionnelle »[5] chez les enfants et les adolescents.

De plus en plus d’études confirment également une réduction des symptômes de la dépression chez les patients recevant de la musicothérapie, comparativement à ceux ne l’ayant pas fait[6]. Si l’essentiel du travail de recherche reste encore à accomplir concernant l’anxiété, la présomption d’efficacité de la musicothérapie pour sa prise en charge semble constante[7]. Une étude[8] publiée dans la revue Frontiers in psychology (2019) soutient ce point, tout en dévoilant un fait des plus surprenants. À l’aide d’une technique nommée « hyperscan », les chercheurs ont enregistré l’activité conjointe des cerveaux du musicothérapeute et du patient, au cours d’une séance. En analysant les données, ils ont découvert que les activités cérébrales… se synchronisaient !

La musique semble bel et bien être un langage à part entière.

Références
(1) IFPI. (n.d.). IFPI — representing the Recording Industry Worldwide. International Federation of the Phonographic Industry. Retrieved March 28, 2023, from https://www.ifpi.org/wp-content/uploads/2022/04/IFPI_Global_Music_Report_2022-State_of_the_Industry.pdf
(2) Société Française de Musicothérapie. (2020, January 5). Histoire de la musicothérapie. SFM. Retrieved March 28, 2023, from https://francemusicotherapie.fr/la-musicotherapie/histoire-de-la-musicotherapie/
 (3) Lise, L. (2016, May 25). Musicothérapie : quand la musique remplace le médicament. Science Et Avenir. Retrieved from https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/musicotherapie-quand-la-musique-remplace-le-medicament_31137  
(4) Daisy, F., & Finn, S. (2019). (rep.). What is the evidence on the role of the arts in improving health and well-being?Retrieved from https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/329834/9789289054553-eng.pdf
(5) Scotto di Rinaldi S., Gepner B. (accepté, à paraître 2023). Musicothérapie pour les enfants et les adolescents avec des troubles du spectre de l’autisme : une revue de la littérature. L’Information psychiatrique. Lien vers researchgate : https://urlz.fr/l9RZ
 (6) Aalbers, S., Fusar-Poli, L., Freeman, R. E., Spreen, M., Ket, J. C. F., Vink, A. C., Maratos, A., Crawford, M., Chen, X.-J., & Gold, C. (2017). Music therapy for Depression. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2017(11). https://doi.org/10.1002/14651858.cd004517.pub3
 (7) Aymeric Le Monnier de Gouville. Apport de la musicothérapie dans la prise en charge de l’anxiété. Santé publique et épidémiologie. 2018. ffdumas-01869132f https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01869132/document
 (8) Jörg C. Fachner, Clemens Maidhof, Denise Grocke, Inge Nygaard Pedersen, Gro Trondalen, Gerhard Tucek, Lars O. Bonde. “Telling me not to worry…” Hyperscanning and Neural Dynamics of Emotion Processing During Guided Imagery and Music. Frontiers in Psychology, 2019.
https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2019.01561/full
[1] Voir référence (1)
[2] Voir référence (2)
[3] Voir référence (3)
[4] Voir référence (4)
[5] Voir référence (5)
[6] Voir référence (6)
[7] Voir référence (7)
[8] Voir référence (8)

Les HPI sont-ils vraiment malheureux ou mal dans leur peau ?

Voici, entre autres, ce que nous dit la science.

Le haut potentiel peut générer une forme de jalousie de la part des pairs et spécialement à l’adolescence, où toute forme de différence est source potentielle de mise à l’écart. Cela peut générer des craintes ou un sentiment de non appartenance au groupe de référence. Le haut potentiel peut donc être réellement pointé du doigt par les autres. Pour gérer cela, la personne à HPI peut mettre en place des stratégies d’adaptation pour rester en contact avec les autres. Ces stratégies sont efficaces sur le moment, mais peuvent être délétères à long terme. Elles seront par conséquent plus à risque de développer des troubles psychologiques comme le met en évidence l’étude de Chan (2005).

Plusieurs études empiriques ne montrent pas une fréquence plus élevée de problèmes d’adaptation chez les personnes à haut potentiel. Cependant, cela ne signifie pas que le développement des personnes à haut potentiel soit nécessairement facile.

Terrassier (1981) a souligné les problèmes de dyssynchronie que peuvent rencontrer ces dernières. Ils proviennent du décalage entre le développement cognitif précoce et d’autres facettes du développement. Il peut s’agir d’un décalage interne entre les développements intellectuels, psychomoteurs et affectifs. Il peut aussi s’agir d’un décalage social entre le jeune et ses pairs. En fonction de l’ampleur des décalages et de leur gestion plus ou moins efficace par le sujet et son entourage (famille, école, etc), des difficultés variables peut être rencontrées. Mais des difficultés n’apparaissent pas nécessairement chez tous les individus HPI et ne peuvent, en tant que telles, être considérées comme des indices de HPI.

Selon Sophie Brasseur et Catherine Cuche, bien que certaines conjectures théoriques et constats cliniques puissent suggérer le contraire, il ne semble pas y avoir plus de troubles au niveau de la santé mentale chez les personnes HPI. Le constat parait identique au niveau des troubles relatifs à l’acquisition des apprentissages. Selon Hyatt Cross (2009), la prévalence du suicide n’est pas plus importante dans la population HPI.

Mais toute une série de jeunes et adultes présente bien des difficultés psychiques qu’il est indispensable d’entendre. Ensuite, le fait d’avoir accès à une pensée abstraite de manière précoce peut générer des préoccupations anxieuses.

Mais toute une série de jeunes et adultes présente bien des difficultés psychiques qu’il est indispensable d’entendre. Ensuite, le fait d’avoir accès à une pensée abstraite de manière précoce peut générer des préoccupations anxieuses relatives à des concepts comme la vie, la mort et/ou l’amour, car l’enfant est à un âge où il n’est pas forcément prêt à les métaboliser seul au niveau affectif. Il est donc essentiel de rester à l’écoute des difficultés ou des troubles de la personne HPI et de décoder ces situations correctement pour leur donner du sens et envisager les meilleures réponses possibles à ses besoins, que ces raisons soient ou non liées au HPI.

Sources :

  • Psychologie du haut potentiel, Nicolas Gauvrit et Nathalie Clobert
  • Le haut potentiel en questions, Sophie Brasseur et Catherine Cuche

Un dernier point cependant : la science évolue et a encore beaucoup de choses à nous dire au sujet du haut potentiel intellectuel. Ce que les professionnels observent en consultation est, il nous semble, à prendre en considération même si des études scientifiques ne soutiennent pas ce qu’ils constatent empiriquement. Certes, il y a un biais (les personnes qui consultent ont besoin de soutien) mais peu importe, les personnes à haut potentiel intellectuel qui souffrent (et consultent) expriment souvent une souffrance similaire, des vécus similaires et ce que ce soit en Europe, au Brésil ou encore aux Etats-Unis. Et ça, c’est interpelant.

Est-ce possible d’être HPI et heureux ?

C’est dans le sur-mesure que les HPI arrivent à trouver leur épanouissement, dans la mise sur pied d’un équilibre de vie qui leur conviennent, dans le dépassement des limites qu’elles se sont imposées par soucis de standardisation/normalisation/intégration. Elles doivent s’écouter, comprendre leurs besoins et leurs valeurs. Elles peuvent s’autoriser à choisir plusieurs voies professionnelles par exemple. Elles ne sont par ailleurs pas contraintes à participer à la vie sociale comme la plupart l’entend. C’est peut-être dans une activité indépendante plus que dans une activité salariée qu’elles vont pouvoir s’épanouir. Tout cela est à évaluer, estimer, analyser/à écouter.

Le cabinet Hi-Mind

Que veut dire être à haut potentiel intellectuel?

Le terme de haut potentiel intellectuel désigne des capacités cognitives globales nettement supérieures à la moyenne.
Selon un consensus scientifique actuel, l’emploi de ce qualificatif est conditionné à l’obtention, sur une échelle d’intelligence comme le WISC ou la WAIS, d’un score de QI supérieur à 130. Ce seuil est arbitraire, choisi car il correspond à une raréfaction importante du nombre de personnes atteignant ce niveau (2,3% la population, 1 personne sur 44).

En pratique, il est important de garder à l’esprit que les performances cognitives se répartissent selon un continuum. Rien n’indique qu’il existerait une catégorie de personnes possédant un fonctionnement cognitif fondamentalement différent, avec une rupture qualitative nette. Par ailleurs, les performances cognitives peuvent varier au cours de la vie ou selon les circonstances. Néanmoins, plus les scores s’éloignent de la performance standard, c’est-à-dire de la majorité de la population, plus la différence de fonctionnement cognitif peut se faire sentir au quotidien et dans les interactions avec les pairs. Le QI constitue un résumé global des compétences cognitives, qui dépend du choix des capacités prises en compte dans son calcul.

Les modèles d’évaluation du haut potentiel foisonnent et restent en apparence radicalement différents. Ceux de la première vague, qui se fondent exclusivement sur une mesure générale – le plus souvent le QI -, restent prédominants en recherche expérimentale, notamment pour des raisons pratiques et d’objectivité. Définir le haut potentiel par un seuil de QI permet d’en avoir une vision simple, claire, objectivement mesurable. En outre, malgré les divergences nombreuses entre les modèles, ils aboutissent selon Nicolas Gauvrit au final à des conceptions proches. Ce qui est vrai de la population des personnes à haut QI l’est presque toujours pour ceux qui correspondent à une définition plus souple alliant intelligence, créativité et persévérance par exemple.

Par ailleurs, il est de plus en plus proposé de compléter le test de QI avec d’autres mesures de facettes importantes de l’intelligence. Le test de QI n’est qu’un point de repère sur la variable continue qu’est l’intelligence. Le test de QI doit en tous les être précédés d’un entretien préalable, un entretien d’anamnèse. Le bilan intellectuel s’inscrit dans une démarche globale de compréhension de l’individu, de son environnement et des liens qui les unissent. Dès cet entretien, le psychologue doit être attentif à tous les éléments cliniques qui permettent une analyse pertinente de la situation et y répondre au mieux dans l’intérêt du patient

Les individus à haut potentiel semblent se caractériser par les propriétés cérébrales suivantes selon Franck Ramus et Nicolas Gauvrit :
une plus grande activation de régions préfrontales et pariétales postérieures ;

  • une plus grande connectivité fonctionnelle et anatomique, particulièrement entre les deux hémisphères ;
  • le cerveau plus volumineux.

Certaines études ont également rapporté (avec un niveau de preuve moindre) :

  • une trajectoire développementale plus tardive de l’épaisseur du cortex dans un certain nombre de régions ;
  • un hippocampe de moindre volume (relativement au volume cérébral total).

A ce jour, les seules caractéristiques qui peuvent être mises en évidence de manière fiable découlent directement des hautes capacités intellectuelles, telles que la rapidité d’apprentissage.

La littérature scientifique pointe plusieurs caractéristiques qui découlent directement des spécificités cérébrales :

  • le cerveau des personnes HPI fonctionne plus rapidement et plus efficacement (Gauvrit, 2015). C’est ce qui explique la rapidité d’apprentissage observée dans cette population en particulier face à une nouvelle notion (Grégoire, 2009a). Ces caractéristiques mentales les rendent capables de réaliser, souvent avec plaisir, des apprentissages plus complexes. Toutefois, ce n’est pas parce que l’on est capable ou que l’on dispose des compétences propices à la réalisation de ces apprentissages que l’on va forcément les exploiter ;
  • sur le plan développemental, un cerveau plus rapidement mature leur permettra également de réaliser des apprentissages plus précocement. Cette avance peut être observée dans différents domaines : neuromoteur, langagier, maitrise du nombre, de la lecture et de l’écriture (Vaivre-Douret, 2007)

 

Le concept de HPI pâtit-il de sa popularité ? Quelques pistes de réflexion.