PORTRAIT D’UNE SURDOUÉE

Aujourd’hui, nous souhaitons vous présenter le portrait d’une surdouée que nous avons rencontrée. La talentueuse Camille Anne Châtelain nous fait découvrir dans cette première partie d’interview son parcours et ses défis de vie. 

Vous sentez-vous adapté(e) à la société actuelle ?

La société majoritaire telle que je la vois, surtout dans les médias, non. Même si je pourrais dire que c’est plutôt la société telle qu’elle est majoritairement aujourd’hui qui n’est pas adaptée, non pas à moi bien sûr, mais à un mode de vie humain, ou humainement viable. Et je n’ai donc aucune envie d’y être adaptée.

Ressentez-vous des difficultés au niveau social ?

Oui et non. Avec le temps, je me connais de mieux en mieux, m’aime de plus en plus, et c’est donc en toute logique plus facile pour moi d’être bien avec les autres. Les personnes avec qui j’ai vraiment le plus d’affinités – et qui sont heureusement celles avec qui je passe le plus de temps – sont souvent des gens qui me ressemblent, ou, en tout cas, qui ont des valeurs, une éthique, un sens de l’humain et de l’humanité, très proches des miens. Je me sens bien avec eux. Du coup, je ne me sens pas en difficulté aujourd’hui. Ça a été un apprentissage. Sûrement comme tout le monde. Et si je me retrouve au sein d’un groupe, avec des gens, lors d’une discussion, où je m’ennuie, où je ne me sens pas à ma place, je n’ai aucun jugement envers ces personnes ni aucun état d’âme à partir, pour me retrouver seule, ou avec d’autres personnes avec qui je suis bien. Je comprends simplement mieux comment je fonctionne et c’est plus facile pour moi de me respecter, et d’agir en fonction.

Comment s’est passée votre enfance à l’école ?

Je dirais, qu’avec le recul, ça a été plutôt difficile. Plus je grandissais, et plus je m’éloignais de moi, de qui j’étais au fond, pour correspondre à un idéal social – qui n’existe pas vraiment –  ou pour ressembler à ce que les autres avaient l’air d’être à mes yeux, ou, surtout, pour répondre aux attentes, non formulées, et sûrement non conscientes, de mes parents et de mes proches. Je voulais être « normale », comme les autres, et par conséquent, pas moi-même. C’est à 35 ans, en assistant à une conférence évoquant le Haut Potentiel au Féminin, que j’ai passé en revue mon enfance à l’école en un éclair. Je m’étais conformée, à tout ce qu’on attendait de moi, pensant faire juste, être acceptée, aimée, sans comprendre que je me causais du tort à moi-même en m’annihilant. Un parcours exemplaire, mais sans âme, sans plaisir. Plus les années passaient, plus la personne que j’étais à l’extérieur s’éloignait de celle à l’intérieur. Aujourd’hui, je réalise que ça n’a aucune valeur d’agir ainsi, que ça n’apporte rien, et que l’important c’est d’être soi-même. Pourtant, je n’ai aucun regret. Le passé est le passé, et c’était un apprentissage, une expérience, comme un autre. Peut-être même que si je n’avais pas (mal) vécu mon enfance et mes études (d’enfant à adulte), je n’aurais pas pris conscience de qui je suis vraiment. Alors j’éprouve une forme de reconnaissance, ou en tout cas d’acceptation, pour tout le chemin parcouru.

Qu’est-ce qui est le plus dur pour vous au quotidien ?

Rester dans ma ligne. Me recentrer, m’aligner à qui je suis, à mes choix, et agir en conséquence, sans laisser mon mental, ou les autres, la société, les médias, ou je ne sais qui, insinuer le doute, et m’éloigner à nouveau de qui je suis au fond et de ma route. C’est un travail quotidien, mais j’imagine qu’à force de le faire, ça deviendra un réflexe, un automatisme, facile à opérer.

Quels sont pour vous les défis de notre société moderne ?

Recréer du liant. Les gens sont déconnectés les uns des autres, de qui ils sont, de la « vraie vie », de la nature. Les réseaux sociaux, la vitesse, la chasse au profit, le « moi je » représentent pour moi les maux de la société actuelle. Surtout parce qu’il ne me semble pas que les gens, dans le fond, soient heureux, et en voyant l’état actuel de la planète, c’est une évidence que quelque chose cloche. En tout cas, si je suivais ce mode de vie majoritaire – ou du moins majoritaire dans ce qui apparaît, médiatiquement notamment ; ce qui ne veut pas dire que c’est bel et bien le mode de vie majoritaire en réalité –, je ne serais pas heureuse. Pour moi le défi de notre société moderne, c’est de cultiver le bonheur et la joie de vivre ; et c’est paradoxal car ça devrait être notre état naturel. Et ça passe sûrement par le fait de recréer du lien entre les gens.