PORTRAIT D’UNE SURDOUEE

Aujourd’hui, nous souhaitons vous présenter le portrait d’une surdouée que nous avons rencontrée. La talentueuse Camille Anne Châtelain nous fait découvrir dans cette deuxième partie d’interview sa définition de l’intelligence et les défis dans le domaine de la douance. 

Quelle est votre définition du haut potentiel intellectuel ?

Je n’aime pas les étiquettes, et elles ont un côté inutile parce qu’on évolue sans cesse, se recrée dans l’instant, et c’est impossible de se définir de façon immuable. Selon les définitions communément admises « HP », il est fait mention d’une manière de penser, dite intelligente, et en arborescence (mais pour moi c’est plutôt penser différemment de certains, majoritaires), d’une manière de ressentir particulière, et d’une hypersensibilité dans laquelle je me reconnais sans hésitation.

Qu’est-ce que l’intelligence selon vous ?

Pour moi, il y a plusieurs formes d’intelligence : intelligence logique, intelligence de cœur, intelligence d’opportunisme… Sans doute qu’on pourrait dire que chaque individu a sa propre intelligence et qu’elle est mesurable selon des critères définis, extérieurs, et qui ne peuvent donc pas réellement en rendre compte. Mais au final, ça ne m’intéresse pas vraiment ; ce sont juste des mots qui servent à catégoriser et je ne suis pas sûre qu’il y en ait besoin.

Que pensez-vous du test de QI ?

Personnellement, cela me fait peur et je le redoute. J’ai surtout peur d’échouer, alors je préfère ne pas prendre de risque et ne pas en faire. En fait, je ne prends pas la pleine mesure de ma valeur, intrinsèque, et n’arrive pas à me considérer comme étant une personne intelligente, dans le sens d’avoir un QI élevé. Je ne vois pas forcément l’intérêt d’en passer, sauf si, pour certains, ça fait partie d’un processus thérapeutique, en quelque sorte, et que par ce biais, on arrive à se réapproprier quelque chose de soi qu’on ne croyait pas.

Quels sont pour vous les plus grands défis actuels dans le domaine du haut potentiel ?

Je constate qu’il y a de grandes différences entre filles et garçons, femmes et hommes, compte tenu de l’attribution genrée des rôle sociaux. Comme pour beaucoup de domaines, la parole est moins souvent donnée aux femmes. Il y a sûrement tout un ressenti, un pan de femmes, et de vécu, qui est passé sous silence, et qui, certainement, est lié à une bonne dose de souffrance. Mais je ne suis pas sûre que la distinction « haut potentiel » soit forcément bénéfique. Dire à quelqu’un qu’il est HP, lui coller cette étiquette, peut être tout autant libérateur qu’enfermant. Il s’agit surtout d’aimer et d’accompagner les gens comme ils sont, et non pas comme on voudrait qu’ils soient, ou comme on les voit, ou comme on croit qu’ils sont. Et pour ça, il y a tout le système éducatif public et parental à revoir. Non pas que c’est mauvais ; ce qui a été a été, sans doute avec raison, mais je constate qu’il y a beaucoup de traumatismes, peu importe quelle a été la naissance, l’enfance, ou le parcours de vie des uns ou des autres. Aimer sans attente, la personne en face, son enfant, son partenaire, l’inconnu dans la rue, est bien plus libérateur et formateur, que d’inculquer des valeurs, des règles, des habitudes, des définitions, qui ne sont pas forcément en résonance avec la personne et qu’elle aura de toute façon à expérimenter elle-même pour se forger son propre avis, sa propre définition, et son éthique propre. Si on m’avait dit, enfant, que je suis HP, est-ce que ça m’aurait aidée ? Enfermée ? Si on m’avait dit, enfant – et peut-être on l’a fait, mais je n’ai pas écouté, et c’est sans doute que j’avais à en faire l’expérience moi-même –, que je suis comme je suis, et que tout est parfait ainsi, peut-être que ça m’aurait davantage aidée. C’est pourquoi, pour moi, le défi dans le domaine du haut potentiel s’inscrit dans un défi plus grand qui est d’accompagner un individu dans tout ce qu’il est. C’est pourquoi il n’y aurait pas que l’éducation à révolutionner. Je prône une manière d’appréhender l’humain bien plus globale, et réaliste selon moi, que ce qu’on fait aujourd’hui. Parfois, ça me paraît irréalisable, vu l’état actuel du monde, mais je me dis que j’ai ma part à faire, au mieux, comme tout le monde, et que c’est déjà ça.